La légende des épinards
une histoire née d’une virgule mal placée

C’est au 19ème siècle qu’une simple erreur de transcription a multiplié par dix la teneur réelle en fer des épinards.
En 1931, Popeye et sa force surhumaine apparaissent sur les écrans en noir et blanc. Le célèbre marin adopte alors un régime alimentaire tout vert et propage le slogan :
« Je suis fort parce que je mange des épinards ».
Ce message a marqué plusieurs générations, gravant cette croyance dans l’imaginaire collectif. Depuis, la science a remis la virgule au bon endroit, mais la légende, elle, continue d’être cultivée.
Les épinards et le fer : qu’en est-il vraiment ?
Il est vrai que les épinards contiennent plus de fer que la plupart des légumes : environ 2,7 mg pour 100 g cuits, contre 0,2 à 1,4 mg/100 g pour la majorité des autres.
On peut même dire que les épinards cuits contiennent autant de fer qu’un bœuf bouilli.
Une performance honorable, certes… mais pas de quoi en faire tout un plat.

La biodisponibilité du fer
Fer ingéré ne veut pas dire fer assimilé.
La teneur en fer d’un aliment ne suffit pas à en faire une bonne source : tout dépend de sa biodisponibilité, c’est-à-dire de la part réellement absorbée par l’organisme. Celle-ci varie selon la source du fer.
Les deux formes de fer
- Fer héminique(sources animales : viandes, abats, poissons, œufs)
→ très bien absorbé : 15 à 40 % assimilé. - Fer non héminique(sources végétales : légumineuses, légumes, céréales)
→ faiblement absorbé : 1 à 15 %
Autrement dit, le fer des végétaux est beaucoup moins bien absorbé que celui de la viande.
Donc, même si les épinards contiennent autant de fer que certaines viandes, notre organisme n’en tire qu’une petite partie.
De plus, l’assimilation du fer végétal dépend du reste du repas :
- La vitamine C l’améliore.
- Les phytates (présents dans les céréales complètes et les légumineuses) la réduisent.
Quelques aliments passés à la loupe
Les lentilles
On attribue souvent aux légumineuses une grande richesse en fer. Pourtant, les données fréquemment citées concernent les lentilles sèches, non comestible en l’état. Après réhydratation et cuisson, la teneur chute :
- Lentilles cuites : ~ 2 mg/100 g
- À l’état cru : ~ 5,6 mg/100 g
La viande
La viande rouge est généralement un peu plus riche en fer que les épinards, mais pas toujours de façon spectaculaire.
Plus le morceau est gorgé de sang, plus il en contient :
- Bœuf bouilli cuit : ~ 2,8 mg/100 g
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à peine plus que les épinards
-
- Foie (abats) : ~ 7 mg/100 g
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c’est lui qui filtre le sang.
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L’algue, un « animal » qui s’ignore
Souvent oubliées, les algues méritent une mention spéciale.
A mi-chemin entre végétal et animal, elles sont de véritables éponges à nutriments.
Les algues marines, comme la spiruline, sont de vrais concentrés de minéraux : fer, magnésium, zinc, iode.
Bien que leur fer soit non héminique, il est très bien assimilé grâce à la présence naturelle de vitamine C, de cuivre et d’autres cofacteurs.
Un atout précieux pour les végétariens, les sportifs ou les personnes sujettes à la fatigue.
Attention toutefois : les algues peuvent concentrer des métaux lourds (mercure, plomb, arsenic) si elles proviennent de zones polluées.
Il est donc essentiel de choisir des produits labellisés et issus de cultures contrôlées.
Besoin en fer journalier : un comparatif concret
Aliments | Teneur et absorption du fer selon le type |
---|---|
Lentilles cuites | 2,80 kg → 56 mg de fer → 15 % absorbé = 8,4 mg assimilés |
Epinards cuits | 2,07 kg → 56 mg de fer → 15 % absorbé = 8,4 mg assimilés |
Viande de boeuf cuite | 750 g → 21 mg de fer → 40 % absorbé = 8,4 mg assimilés |
Foie cuit | 300 g → 21 mg de fer → 40 % absorbé = 8,4 mg assimilés |
En résumé
Autrement dit, pour couvrir les besoins quotidiens moyens en fer (~8 mg chez l’adulte), il faudrait manger…une véritable brouette d’épinards par jour !
-
Le fer végétal est complexé, c’est-à-dire lié à d’autres molécules (phytates, oxalates) qui bloquent son absorption.
A l’inverse, le fer animal est libre, non complexé, et donc beaucoup plus facilement capté par l’organisme.
Comment favoriser ou limiter l’assimilation du fer
-
A EVITER
- Le café et le thé noir ou vert dans les 2 h avant ou après un repas riche en fer
→ les tanis bloquent son absorption.
- Les produits laitiers au même repas
→ le calcium agit comme un inhibiteur.
- Le café et le thé noir ou vert dans les 2 h avant ou après un repas riche en fer
- A PRIVILEGIER
- Les fruits et légumes crus : kiwi, agrumes, poivron, carotte …
→ La vitamine C améliore nettement l'assimiliation du fer.
- Les fruits et légumes crus : kiwi, agrumes, poivron, carotte …
Conclusion
Le fer n’est pas qu’une question de quantité dans l’assiette, mais surtout de qualité et d’assimilation. Adopter une alimentation variée et équilibrée, combinant différentes sources de fer et de bons accompagnements, reste la meilleure stratégie pour éviter les carences.
La nutrition n’est pas une science figée, elle évolue et progresse sans cesse grâce à la recherche.
Actualiser nos connaissances permet parfois de démystifier toute une publicité née d’une simple virgule mal placée… il y a plus d’un siècle !
Tanja Hauser
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